Les restrictions budgétaires gouvernementales font bouger les lignes de la carte militaire nationale à coups de transferts et de dissolutions. Epargnée pour l’heure, la Corse ne garde pas que ses soldats.
Au-delà de l’importance stratégique de sa présence en Corse, la Base aérienne 126 et son millier de militaires rejaillit sur le territoire économique de sa commune de Ventiseri, et bien au-delà
Sur le sol corse, voire au-delà, la base aérienne de Ventiseri que l'on appelle encore Solenzara* est sans doute l'une des unités militaires qui a le moins de souci à se faire pour sa sauvegarde. Les plus hautes autorités de l'armée de l'air n'ont de cesse de souligner l'importance stratégique d'un « porte-avions » au cœur de la Méditerranée. Plaque tournante de l'intervention des forces de l'Otan lors du dernier conflit en Libye, « Zara », comme on l'appelle dans le jargon militaire, a confirmé cette situation géographique et opérationnelle privilégiée. Un groupe de parlementaires centristes a même demandé le renforcement de cette vocation pour la base de défense. Loin de la restructuration synonyme de restrictions, la base verrait alors ses effectifs augmenter, et son poids économique revaloriser sur son territoire d'implantation. Elle n'en est pas encore là, mais elle pèse déjà considérablement sur l'économie locale.
Le contexte territorial y est différent de celui du REP à Calvi. Le site de la BA dédiée à la mémoire du capitaine Preziosi s'étend sur Ventiseri, une commune de la Plaine orientale caractérisée par l'éclatement de ses hameaux sur la route nationale, éloignés d'une dizaine de kilomètres du village niché dans l'arrière-pays. Sur 2 350 habitants recensés, les personnels de la base installés avec leurs familles sur la commune représentent 30 % de cette population. Mais cet impact économique et démographique va au-delà. « Il est vrai que l'essentiel est concentré sur le Fiumorbu, mais les transports assurés quotidiennement par la base permettent à certains personnels de résider jusqu'à Bastia au nord, et à Porto-Vecchio au sud »,confie François Tiberi, le maire d'une commune de Ventiseri qui reste, malgré tout, la première bénéficiaire de cette présence militaire. Même si le premier magistrat s'irrite de plus en plus en entendant parler de la « base de Solenzara ». À Ventiseri se sont multipliés les villas d'État et les logements Défense. Le milieu scolaire local est impacté à 50 % par la présence militaire. Dans son analyse, François Tiberi tient à peser le pour et le contre. « Nous avons de très bons rapports avec la base. Nous sommes d'ailleurs liés par quelques conventions. Il faut reconnaître, quand même, que cette présence pose quelques problèmes. Elle gèle d'abord une partie du foncier, génère quelques nuisances sonores et elle prive la commune de plages. Mais si la base venait à partir, ce serait un sérieux coup dur pour Ventiseri ».
« Une logique de compromis gagnant-gagnant »
Arrivé à son poste au début du mois de septembre, le colonel Stéphane Groen commande aujourd'hui l'unité. Dans son propos sur le sujet, il commence par donner le chiffre qui fait autorité. « 80 % des 1 003 personnels de la base habitent sur la microrégion. Nombreux sont ceux qui ont accédé à la propriété sur place ».L'officier souligne de très bons rapports avec les populations locales et fait part de son credo. « Je veux m'assurer que l'on génère de l'activité opérationnelle, quitte à faire venir sur la base des moyens dépendant d'autres ministères. C'est pourquoi j'ai d'ores et déjà proposé d'y accueillir les Tracker pendant la campagne des feux de forêt ».En clair, la montée en puissance d'une activité qui ne manquerait pas d'élargir son emprise sur l'économie locale. Le colonel Groen qui a établi le contact avec tous les maires du coin, estime que les retours en provenance du territoire ne trompent pas. « Nous nous efforçons d'être dans une logique de compromis gagnant-gagnant, mais c'est clair, on veut garder cette base qui représente tout simplement la première entreprise de la microrégion ».
* La base qui s'étend pourtant, dans sa totalité, sur la commune de Ventiseri, a été initialement baptisée Solenzara en référence au premier lieu de vie des premiers militaires d'une base sur laquelle les premiers avions ont atterri en 1960.